samedi 20 février 2016

Le corbeau face à la cour des oiseaux

Quand le pouvoir se corrompt en refusant d'entendre le peuple, dans des cascades de mensonges sans fin, des promesses non tenues, ne gouvernant que pour préserver ses privilèges, nommant les siens aux postes clés malgré leurs incompétences, levant toujours plus d'impôts en détruisant le travail, alors... la révolte gronde.
Cette nouvelle fable touche au profond sentiment d'injustice... Une modeste façon de parodier " Haro sur le baudet " du Grand Jean de La Fontaine et d'imiter sommairement celui qui l'a si bien illustré, Benjamin Rabier.




Le corbeau face à la cour des oiseaux

Quand la cour ouvrit ses assises
Les bois étaient toujours aux prises
Du message anonyme apporté au barreau
Qui agitait toutes les cervelles d’oiseaux
Des têtes de linotte à celles des moineaux
Citant un blâmable corbeau
Trop laborieux, trop désinvolte
Aux crimes odieux créant révolte.
Des trois oiseaux aux morts subites dans l’année
Tous les autres de peur se sentaient condamnés
De la dinde à l’oie blanche
Jusqu’au canard boiteux.
Dès lors se posa sur la branche
Un hibou juge et vaniteux
Écoutant les témoins de tête:
Du dindon la farce du niais
Comme miroir aux alouettes,
Puis l'avis des poules mouillées.
L’arbitre s’en tint là et dit : « —  Chers volatiles,
Moi Président, cessons les indices futiles
Pour laisser place à la défense
Du plus coupable d’entre nous. »
Le choucas désigné s’adressa aux pioupious
Citant de concert, offense et chagrin immense
Qui lui valurent ce vil emprisonnement;
Arguant n'être témoin que de simples accidents
 De voir bayer aux corneilles que vils brigands.
« —  Un jeune coq fier comme un paon
A nargué le canard tout proche de l’étang
Se moquant de sa démarche » ;
Ce dernier répondit : « —  Avec vos ailes au vent
Seriez-vous le même bravache ? »
Le coq vexé battit des ailes
S’envola vers le lac mais dans l’eau se noya
De son poids.
« —  Voilà ce que j’ai vu n’est en rien criminel ! »
La vieille chouette greffière acariâtre dit :
« —  Donc en tuant le canard vous faisiez justice ? »
« —  Du tout ! Le coq avait complice. »
S’insurgea-t-il. Verdict du juge abasourdi :
« —  Quand on a été inculpable
Cela fait de vous le coupable ! »
Épris d'intelligence
Sûr de son innocence
L'accusé évoqua
La suite des tracas.
« —  Le vilain petit poulet était enchaîné
Servile à un pigeon quelque peu déchaîné
Lequel cafardeux de son beau coq éperdu
En traita le palmipède de loquedu ! »
« —  Leurs histoires de plumes n’en font pas des vicieux ! »
« —  Mais deux coups de bec au canard creva ses yeux
Ce qui l’amena à couler
Lui aussi dans le marécage. »
Narra le défenseur
En face de ses censeurs.
« —  Ainsi c’est du pigeon que vous fîtes plumage ? »
« —  Pas du tout ! C’est un grand-duc qui l'a blackboulé.
En lui plongeant dessus l’emmenant dans ses serres. »
« —  Corbeau ! Ce propos vous dessert.
Vous l’oiseau de mauvais augure
En accusant ainsi ma famille c’est sûr
Vous n’œuvrez pas pour la défense,
Je ne pardonne point l’offense
Faite aux magistrats de la cour
Qui n’ont rien à voir des détours
Que vous prenez ce jour à faire ainsi l’autruche. »
La poule de luxe acquiesça, comme la grue,
N’appréciant pas le corbeau qui si haut se juche
Et encore moins sa situation incongrue.
Le juge appela les jurés
Les trois bécasses, l’oie, la dinde et la bondrée
Réclamant l’infamie pour le noir charognard
Et sa condamnation à mort,
Plutôt que d’en faire un bagnard,
Exigeant du corbeau d’avoir quelques remords.
L’oiseau intelligent toujours fidèle aux us
Demanda un verdict qui fasse consensus
Car il n’était jugé que pour des peccadilles.
Mais le hibou n’étant pas chouette.
Et qui plus est, n’étant point net
Confirma la poutre plutôt que la brindille
Dans le plateau de la balance
Afin de réduire au silence
L’assassin reconnu du lac
Ce volatile démoniaque
Blanchissant d’un seul coup
Son parent délateur
Le chat huant cacou
Et puissant prédateur.
Si trop souvent une solution réfléchie
Ne fait pas le bonheur
Il est sûr que celle de l’injuste énarchie
Crée toujours le malheur !

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