mardi 25 septembre 2018

Le lièvre, l'écureuil et le loup

Je me suis décidé à éditer d'ici la fin de l'année un recueil de mes fables. Prétentieusement me voilà fabuliste contemporain présent dans l’ombre de son blog. Les sujets de mes fables essayent d'être pertinents et vous invitent chers lecteurs à la réflexion.
Celle-ci fait du loup un sage, face au moment présent.




Le lièvre, l'écureuil et le loup

Un lièvre ayant perdu sa hase
Aux traces de son sang, d’un renard implacable
Pour sa vie ne se trouvait plus en phase,
Morfondu, pitoyable.
Tout proche un écureuil
Vivait un autre deuil
Et son hyperactivité
Démontrait sa terrible anxiété
De n’avoir retrouvé noisettes
Dans ses multiples oubliettes.
Et tous deux accablaient les dieux !
Qui ne sait point ourdir conservation tenace
De tout danger est vite mis sous la menace
Restant ébaubi et vérécondieux.
Dans mes vers s’introduit
Alors un nouvel animal moins doux ;
Nos deux niais malheureux faute d’un sauf conduit
Tour à tour se jetèrent
Dans la gueule du loup,
Un féroce patibulaire
Que d’injustice tout le monde abhorre.
« - Que fais-tu sur mon territoire ? »
« - Je viens chercher la mort… »
Répondit le lièvre à cet interrogatoire
«  -…Je veux que tu me manges ! »
Le loup trouva la réponse for drôle :
« - Tu as de l’humour. Je vais te donner le change
Pourquoi te croquerai-je au vol ? »
« - Je suis dépressif, j’en ai assez de la vie ! »
« - Tout déprimé ne vit que du passé.
Va de l’avant car ce passé mort t’asservit. »
Et le loup l’ignora en le laissant froissé.
Étonnamment il s’en suivit
Que notre lièvre n’allât de vie à trépas
Quand l’écureuil stressé se trouva sur ses pas.
« - Fais attention tu es sur le terrain du loup ! »
Le rongeur se mit à trembler de tous ses membres
Tétanisé de peur, à lui rompre le cou
De se trouver là, dans la cruelle antichambre.
Ysengrin surgit déclamant :
« - Mais qu’arrive-t-il au panache ? »
« - Je ne suis pas bravache… »
Dit Belle queue à son corps défendant
« -…N’ayant plus de noisettes
Je ne vaux plus tripette
Ne voulant pas mourir de froid
Mange-moi ! »
« - Va ! Le loup te pardonne animal importun,
Je n’adoucirai point ta plainte,
Tout angoissé ne vit que du futur en crainte.
Mais l’avenir n’est point né ! Vil traîne-patin !
Sauve qui peut ! Lors flaire donc l’instant présent. »
Une nouvelle fois le loup se retira.
Appliquons l’apologue aux humains maintenant,
Sinon l’histoire en pâtira
Car le loup si cruel pourrait montrer ses dents.
Le lièvre consterné par son passé déprime
Quand l'attente de l’écureuil le pousse au crime ;
Profitons de l’instant courant c’est évident
Goûtons l’éternité de ce moment présent
Comme si c’était le dernier,
Quand la vie toujours sait rappeler ses dangers.
Au malheureux hanté par le passé,
Au malchanceux effrayé du futur
Le présent est la piste désignée
A tout nouveau départ de la belle aventure.




samedi 22 septembre 2018

Tarot 2 : D'une porte à l'autre, la vie

Poursuivons notre lecture sur le chemin du Tarot, en empruntant le sentier de l'amour, celui qui va du Féminin au Masculin, un cycle d'éternité.



D’une porte à l’autre, la vie


Évoquons aujourd’hui les arcanes 6 et 16, à savoir l’Amoureux et la Maison Dieu. Pourquoi donc ces deux arcanes majeurs sont-ils les seuls à avoir leurs lettres « U » en forme de « V » ? Dans leur cartouche respectif il est écrit L’AMOVREVX et la MAISON-DIEV… Ces deux cartes évoquent la conjonction des cycles et du temps. Comme Einstein a pu démontrer ce temps qui se plie pour pénétrer l’espace.


L’AMOVREVX  ( 6 )
Sur la carte, il faut d’abord considérer l’ange. Il agit dans la matière, avec grande pureté, indiquée par le blanc de l’arc et de la flèche. Ce tir à l’arc est à la fois symbolisme sexuel, avec la tension (le désir) et la flèche (la pénétration) ; il représente également le spirituel de l’éclair (la prière), et du coup de foudre (la lumière divine) que nous retrouvons aussi sur la lame 16. Observons le dessin : il se trouve un jeune homme entouré de deux femmes. Manifestement il hésite à choisir entre les deux. Sa tête est tournée vers la plus austère mais sa gestuelle montre qu'il reste attiré par la plus jeune. Cupidon vise les personnages. Son arc est dépourvu de corde signifiant que l’homme agit de son plein gré sur les choix qu’il doit faire grâce à son libre arbitre. Face au destin et aux opportunités rencontrées, il se confronte toujours à la terrible dualité, il doit exercer son choix entre vice et vertu, entre bien et mal, entre blanc et noir. Le libre arbitre impose la responsabilité et influe les conséquences positives ou négatives des choix qui en découlent. Cet Eros est le principe d’union, il envoie la flèche, mais nous l’avons vu, il n’y a pas de corde à l’arc. Il tient la flèche dans son poing et ce poing représente le centre du cercle blanc ; c’est-à-dire une représentation du big-bang, le point d’origine de toute la matière de l’Univers. L’arc indique la tension de nos désirs liés à l’inconscient, il représente le destin, la volonté divine. La flèche symbole sexuel, est aussi la connaissance ; la corde de l’arc est invisible, car la force est invisible. Eros c’est l’Amour. Ces anagrammes sont oser et rose. Eros est toujours associé à la rose, au côté obscur et féminin de l’être. Il évoque le retour à l’Unité en unissant le masculin et le féminin. L’Amoureux est donc l’homme face à ses passions, à ses débordements, qui doit rechercher la sérénité de l’esprit, par le biais du libre-arbitre ; avec ce dernier il connait l’attraction du divin, sans lui il reste une planète qui tourne bêtement en rond. Sur un très vieil arcane du 6 on peut y lire : L’indécision est aussi funeste qu’un mauvais choix. Avance ou recule, mais souviens-toi qu’une chaîne de fleurs est plus difficile à briser qu’une chaîne de fer.
Voici donc la représentation de la lutte entre le vice est la vertu, entre le temporel et l’éternel. C’est l’expérience du désir qui pousse le grand principe masculin, vers le grand principe féminin, pour que tout ce qui est, ne puisse plus faire qu’UN. L’arcane exprime donc la racine, le commencement ; la conscience spontanée du subjectif et de l’objectif, où les choses ne sont pas unies, mais séparées. C’est la tentation du serpent, c’est l’origine et le principe du doute. Le doute pousse à faire l’expérience, et l’expérience à faire partager à l’autre. C’est le commencement de la terrible dualité.
L’hexagramme (sceau de Salomon) omniprésent sur la lame qui la partage en deux, représente la mémoire du paradis et de la chute, du paradis et de la tentation. Ces deux triangles s’opposent soit par leurs bases, soit par leurs pointes. Les trois personnages du bas forment un triangle opposé au triangle de l’ange avec son arc et sa flèche. Le Féminin c’est le corps, donc la chair, mais c’est aussi la mémoire qui porte notre histoire. Le corps se fait dans le ventre de la mère qu’il faut quitter. L’amour est avant tout une déchirure. Le Masculin c’est le monde conceptuel, que l’on perçoit. Ceci pour invoquer l’inéluctable gestion de l’instinct. Cette lame du Tarot nous fait méditer sur comment retourner à l’unité en unissant le masculin au féminin. C’est ce qu’exprime ce passage du 6 au 16, de l’Amoureux à la Maison dieu.
Ainsi en reprenant le questionnement du début de cet article, le U de l’Amoureux est un V, (comme celui de la Maison Dieu), qui impose l’unique lien entre ces deux arcanes et cette union spirituelle des genres. On peut faire cet étonnant constat avec les lettres de notre alphabet : lorsque le Monde porte le nombre 21, avec le Mat qui lui, n’a pas de nombre nous totalisons 22 arcanes, le U est en 21ème position et le V en 22ème. Cela nous fait passer par le silence du verbe, et unir le féminin au masculin. Le féminin c’est la mémoire de ce centre, et de l’expérience du cosmos. Nous portons dans notre corps la mémoire de la création de la matière depuis son origine. Faire l’expérience de la séparation d’avec la mère, c’est se préparer à la séparation d’avec le corps, la mort. L’arcane de l’Amoureux dit tout ça.
L’homme et la femme vont être amenés à faire l’expérience des quatre archétypes Féminin : la mère biologique, terre nourricière ; l’amante qui est choisie ; la vierge sacralisée et la sagesse, représentation transcendée du féminin. L’amoureux est au centre des quatre. Lorsqu’il aura fait l’expérience de la chair, il pourra se tourner vers la beauté intérieure. Quand l’homme va vers une femme, il va vers sa mère. C’est la rose avec ses épines, du cœur, de l’affect, du sentiment, amour charnel et terrestre. Dans le regard du jeune homme, nous lisons qu’il vient de découvrir à travers sa mère, l’image spirituelle de celle qui porte l’enfant divin et qui parle de beauté intérieure. Il entend que ce principe est en lui-même, non lié à sa mère ou à sa femme. Puis la Sagesse, sert de miroir à l’autre, car au-delà des différences ils sont semblables. Le choix de l’Amoureux est donc la beauté intérieure. Ainsi l’amour contrairement au désir, se donne et se reçoit sans souffrir. Le grand amour est celui qui fait découvrir nos manques. Le choix est souffrance, puisqu’il faut renoncer. Mais la douleur cesse dès que le choix est fait, c’est alors la certitude du doute vaincu, par une foi retrouvée.


LA MAISON DIEV  ( 16 )
Puisqu’il s’agit de passage du 6 au 16, l’arcane 16 représente donc la porte de l’âme. C’est aussi une carte d’avertissement. La plume qui représente l’âme tend vers le divin pour autant que le choix soit fait. Pour libérer l’âme captive, il faut tuer le monstre de l’ignorance. S’enfermer dans une tour d’ivoire, c’est s’isoler du monde. À noter qu’il y a 22 brins d’herbe, autant que d’arcanes majeurs du Tarot. Cette tour symbolise l’orgueil des hommes, qui va vers la ruine en passant à côté de l’essentiel, c’est le symbole de la tour de Babel. C’est la défaillance de l’esprit, le châtiment de l’orgueil. La tour est représentative de la psyché, de l’égo, elle est le temple de l’homme qui abrite l’esprit. Cette tour est couleur chair. Une sorte d'éclair rouge et or brise son sommet. À son pied deux personnages y figurent. L'un semble s'amuser à marcher sur les mains pendant que le deuxième ramasse quelque chose. L'homme qui se prend pour Dieu et veut régir le monde court à sa perte. Il ne faut pas perdre la tête et rester humble, tel est le message de la Maison-Dieu si l'on ne veut pas aller vers une catastrophe. Cette tour condamne son bâtisseur à n’être que son œuvre. Elle souligne la manifestation de la vanité qui au lieu d’élever celui qui en est victime, le réduit aux limites de sa nature humaine, qui non contrôlée n’est que pure folie. Le meilleur moyen de se prémunir, c’est la pratique de la tempérance, mais surtout celle de la vertu la plus emblématique de la sagesse, l’humilité (voir article du 2 septembre 2018 sur les vertus). Après le mal démoniaque de l’arcane 15, la Maison Dieu représente le mal humain, non pas celui qui vient du dehors, mais celui qui vient du dedans de l’âme. C’est l’âme qui a commis le péché originel ; la chair n’y est pour rien ! Ceci nécessite expiation et réunification. La désobéissance envers le divin, c’est la séparation de la volonté humaine de celle de dieu. Suite au péché originel, l’homme subit les conséquences de l’incarnation, la douleur, le travail et la mort. Après l’expérience du déluge, la tour de Babel connut les foudres de l’Eternel, qui multiplia les langages pour que plus personne ne se comprenne. La foudre qui frappe, c’est la lumière divine qui éblouit, pour annihiler la prétention humaine. C’est le seul arcane ou apparaît le mot Dieu, juste après la lame du Diable, en 15, La Maison-Dieu évoque donc le corps ou l’esprit s’incarne.
Ainsi L’Amoureux représentation du Féminin avec la fonction mémoire, rejoint la Maison Dieu arcane du Masculin, de la reconnaissance, celle qui fait sortir de l’ombre au bout du tunnel. Comme le dit Jung, dans un couple on n’est pas deux, mais quatre. L’enfant face au couple parental, rencontre son double avec le parent de même sexe et son complémentaire avec celui du sexe opposé. Les 2 personnages en état d’apesanteur reconnaissent la terre avant la parole. Ils identifient avant de nommer. La naissance se fait par la mère au niveau biologique, et par le père au plan symbolique. Notre édifice personnel, cette tour de chair, ce temple, c’est le creuset où s’élabore la transmutation de la matière par le feu. La forme phallique affirme aussi que le corps est le lieu où se réalise l’œuvre du feu du désir. Le haut de la tour laisse entrer la flamme venue du Ciel. Le Verbe, la parole incarnée, vient vers l’être humain. C’est la parabole du Verbe qui se fait chair. La Maison-Dieu veut représenter le spasme jubilatoire qui amène à être et à reconnaître. C’est une incantation de l’androgynéité. La base triangulaire représente la trinité Œdipienne sur laquelle se construit le corps, que les trois fenêtres bleues symbolisent. La réalité de l’androgyne allégorique ouvre à la dimension spirituelle. Les deux pierres blanches rappellent les deux os de l’arcane 13, ils sont ovules et spermatozoïdes qui créent l’humain, et expriment la connaissance et révèlent ce passage vers l’Unité.

Ainsi ces deux arcanes enseignent sur la réalisation de tout être et sur tout le difficile et délicat cheminement de l’amour pour aller vers l’unité que constitue l’éternel cycle de vie.