dimanche 2 septembre 2018

Tarot 1 : La vertu qui se cache

Quelques récentes rencontres amicales, me poussent à reprendre dans mon blog les articles sur le TAROT édités tous les mois depuis le 7 février 2015. Le TAROT est comme un langage, une sorte de livre dont on apprend la lecture, de la même façon que l'on apprend une langue étrangère. Le TAROT n'est pas du domaine de la voyance, mais c'est une véritable lecture du chemin de la vie comme peut l'être l'initiatique chemin de Compostelle.



La vertu qui se cache

Il y a fort longtemps mon petit lutin m’offrit un jeu de tarot, pour la beauté de ses images. A les contempler je ne savais les expliquer… C’est depuis ce jour, que le Tarot, dont nul ne connaît l’origine véritable, balise ma route. Ma seule certitude : le Tarot est un grand livre d’Images qui véhicule un symbolisme en référence à l’humanité et à l’individu. Chaque arcane contient un message, d’autant plus riche qu’une image vaut 10.000 mots. Ce livre du Tarot peut se lire dans l’ordre, ou par arcane, par 3, par 5, ou par 7 cartes, en rond, en croix, etc. Les couleurs ont un sens, le rouge représente l’énergie et les pulsions, le bleu le spirituel, le blanc la pureté, le jaune le divin, etc. On tient compte des nombres ou des lettres et dans tous les cas, se dévoile une lecture, toujours explicite. Les 22 arcanes majeurs comme l’arbre séfirotique représentent le voyage que va faire son découvreur à travers les épreuves, pour parvenir à la connaissance et à la libération. Une légende bohémienne stipule qu’à chaque naissance, on doit glisser dans le landau du bébé un jeu de tarot duquel on a retiré une carte, qui lui permettra ainsi de reconstruire son chemin.
Pour cette première approche, je vous propose d’appréhender les vertus cardinales, une des assises du jeu, son épine dorsale. Dans le Tarot trois des quatre vertus sont nommées, Force en 11, Justice en 8 et Tempérance en 14. Mais pas de Prudence ? Et pourtant... n’est-ce pas la Prudence qui dirige tout ? Comme dans une cathédrale où chacun peut éventuellement découvrir dans le labyrinthe la voie de son salut, en déployant comme un bâtisseur les 22 pierres des arcanes majeurs pour reconstruire l’édifice, au plus haut en clé de voute se trouvera la pierre 11, numéro de la FORCE, et les arcs boutants de part et d’autre soutenant l’édifice, seront symétriquement en 8 la JUSTICE et 14 la TEMPERANCE (voir mon dessin). Pour l’instant silence… sur la Prudence.

La JUSTICE   (8)
Une femme blonde portant couronne est assise, tenant une épée dans la main droite et une balance en main gauche. Tout témoigne d’une rigidité. Sa majesté est « raide comme la justice ». Sa position même, nous impressionne. Les multiples voies empruntées par la justice sont représentées par les huit directions de l'univers, symbole du soleil sur sa coiffe ; cela signifie que la justice s'applique à tout le monde. La balance se doit d’équilibrer nos rapports entre intuition et raison, elle harmonise ces deux aspects dans toute action. Il faut savoir se regarder en face et être juste envers soi-même comme envers les autres. La liberté ne consiste pas à pouvoir faire n’importe quoi. Connaître les Lois c’est être libre. Derrière le personnage, deux colonnes symbolisent clémence et rigueur ; elles sont devenues jaunes (elles étaient bleues sur la carte 2 de la Papesse), et elles indiquent le passage à la conscience. Sur l’image l’or domine, tout ramène au divin. Les formes arrondies du bas de la toge soulignent que la Justice arrondi les angles, mais se mentir à soi-même, c’est ne pas se regarder en face. L’arcane est construit avec sa double symétrie, verticale et horizontale ; les deux axes dessinent une croix dont le centre est le point de rencontre. La robe rouge évoque la pulsion de vie, le manteau bleu le passage à la conscience. On se tend vers l’ordre, la mise en lumière, expliquant le jaune. La balance d’or n’est pas conçue pour peser de la matière. Le fléau fait le lien entre les deux plateaux, comme l’âme fait le lien entre le corps et l’esprit. L’épée jaune est à double tranchant, Elle sort de la bouche du Verbe dans l’Apocalypse, et tranche entre le bien et le mal.

La FORCE   (11)
Une femme dompte un lion qui symbolise la force animale en lui tenant la gueule ouverte. Elle ne « force » pas. Elle maîtrise en douceur les instincts de la bête. Etouffer ses instincts est un non-sens ; il faut les dominer et les utiliser à bon escient pour atteindre le juste équilibre. Un chapeau en forme de huit couché, symbolise l’infini. Il indique aussi la figure donnée par le parcours annuel du soleil dans le ciel. La Force est cernée de blanc car la pureté domine les passions. L’esprit en toute chose domine et mate la matière. C’est la primauté de l’intelligence sur la force. Avec la force de l’amour on peut modeler le monde. Le cœur et la respiration n’ont pas besoin de repos, seul le cerveau a besoin du sommeil. La Force est donc au centre du Tarot. C’est le cœur, le pont ou la clé de voute de l’édifice. Nous sommes au point d’équilibre de la bascule. La Justice entame avec le numéro 8, le septénaire de l’âme, et annonçait cet état de stabilité. La tempérance qui le termine nous informe de la force d’union et d’amour qui unit masculin et féminin, corps et esprit, divin et créature. L’âme est ce qui unit, ce qui relie le corps à l’esprit. L’homme est mi-ange mi-bête, sauvé par sa connaissance de l’un et par son ignorance de l’autre.

La TEMPERANCE   (14)
Un personnage ailé transvase de l'eau d'un pot bleu vers un pot rouge. Mais est-ce bien de l’eau ? Vu la position des cruches, l'eau devrait tomber par terre. La tempérance évoque une mutation intérieure, une régénération vers la sérénité. Patience et douceur font plus que force et que rage. L’Image des fluides, c’est le principe de la vie universelle. La clepsydre, sert à mesurer le temps. Sans jamais s’arrêter, le courant de la vie génère et régénère. L’esprit est un émissaire divin, qui descend de l’invisible pour se transvaser dans le visible. C’est l’allégorie du changement de l’eau en vin. C’est l’indication d’un passage de la nuit au jour, du visible à l’invisible, de l’ignorance à la connaissance. L’accession par la conscience ne peut se faire sans l’imagination. « L’homme ne devient que ce qu’il pense ». Sans tentation il n’y a pas de Salut. L’arcane évoque aussi le fonctionnement de l’être humain avec la sueur, la larme et le sang ; les trois substances du mystère de l’homme. Faire l’effort (sueur), être touché (larme), avoir du cœur (sang). Les trois fluides symbolisent la foi, l’espérance et l’amour, qui suggèrent les trois vertus théologales. Ce qui coule entre les deux vases indique l’activité spirituelle. La Tempérance est l’arcane qui relie au soi. Le pichet rouge c’est le cerveau archaïque du mammifère, le pichet bleu c’est le néocortex de l’homme. Entre les deux vit la cohabitation, ou l’opposition, qui peut induire aux maladies mentales. Le flux circulant entre les vases n’obéit donc pas aux lois de la pesanteur, le fluide est de nature spirituel. « Si tu bois de mon eau, tu n’auras plus jamais soif ». C’est l’arcane alchimique de la transformation du plomb en or.  
A ce stade, il me reste à évoquer la quatrième vertu : la Prudence. Elle n’est pas nommée dans le jeu. Mais comme très souvent, le TAROT nous joue ses parties de cache-cache. Car la Prudence est pourtant présente. Elle porte le numéro 9 et s’appelle l’Hermite. Avec un H comme Hermès

L’HERMITE   (9)
Cette lame exprime la vérité que l’on pressent en se retirant du monde, dans la solitude, et la méditation. Un ermite éclaire son chemin à l’aide d’une lanterne qu’il lève devant lui de la main droite, en s’équilibrant d’un bâton en main gauche. L’homme à la longue pèlerine représente le secret, le silence. Il éclaire son vécu. La lampe ici symbolise la conscience, et la prudence à regarder où l’on met ses pieds. Son bâton lui sert à tâtonner et non à trouver un appui, dans une démarche strictement personnelle. Malgré tout son savoir, il reste humble et cherche à sortir de l’obscur. Il est enveloppé dans le manteau bleu de l’inconscient et du spirituel. Il a maintenant double appartenance, à celle d’être du monde mortel, et à celle de l’âme de vie du monde immortel. C’est un guide intérieur au plus profond de nous. L’Hermite, réintègre les événements obscurs de notre vie, pour que la lumière jaillisse en nous. «  J’ai purifié mon cœur de toute science et j’ai trouvé un ami… il m’est resté les ténèbres, mais j’ai trouvé une clarté. » a dit Maître Eckart. Cette lame porte le numéro 9. Par les 9 ouvertures du corps humain elle symbolise la communication avec le monde extérieur. Il faut 9 mois de gestation pour l’être et pour naître. A la naissance, l’enfant porte l’expérience de la vie. Il a parcouru tout le cycle de la création. Il meurt à un état aquatique et obscur pour renaître à la lumière et à la parole, qui ne peut être porté que par l’air. Le jour de la naissance, le 9 compte zéro, c’est notre preuve par neuf de la nécessité de mourir pour naître à un autre plan. Le temps cyclique est lié à l’éternité fusionnelle. Pour que le temps existe, il faut une origine, un repère et l’Hermite nous sort hors du temps, avec la mise en conjonction du temps universel de l’âme et celui de notre temps historique. L’âme psychique se déploie dans un éternel présent. Vivre le présent, c’est être dans l’éternité. Je ne sais plus qui a dit « La perle de l’huitre ne prend toute sa valeur, qu’une fois désincrustée de la chair ».

Note : Je conseille à tous les amateurs de Tarot d’aller visiter le tombeau de François II dernier duc de Bretagne dans la cathédrale de Nantes. Les quatre statues d’angle représentent les quatre vertus cardinales qui n’ont rien à voir avec les gisants, mais la transmission d’un message moral. Curieusement, là aussi la Prudence qui tient dans sa main droite un compas, pour régler sa conduite et mesurer la portée de ses actes, n’est pas de suite repérée et cache son secret. La jeune femme se regarde dans un miroir pour observer ses propres pensées pour mieux se connaître ; mais elle garde aussi un regard vers l'arrière ; cela nous permet de constater que l'arrière de la tête de la Prudence est constitué d'un autre visage, celui d'un vieillard à la longue barbe et aux rides marquées, porteur de son expérience et de sa sagesse, qui doivent guider les pas, étrangement resemblant à notre Hermite du Tarot.



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