D’une porte à
l’autre, la vie
Évoquons
aujourd’hui les arcanes 6 et 16, à savoir l’Amoureux
et la Maison Dieu. Pourquoi donc ces
deux arcanes majeurs sont-ils les seuls à avoir leurs lettres « U »
en forme de « V » ? Dans leur cartouche respectif il est écrit
L’AMOVREVX et la MAISON-DIEV… Ces deux cartes évoquent la
conjonction des cycles et du temps. Comme Einstein a pu démontrer ce temps qui
se plie pour pénétrer l’espace.
L’AMOVREVX ( 6 )
Sur la carte, il faut d’abord considérer l’ange. Il
agit dans la matière, avec grande pureté, indiquée par le blanc de l’arc et de
la flèche. Ce tir à l’arc est à la fois symbolisme sexuel, avec la tension (le désir)
et la flèche (la pénétration) ; il représente également le spirituel de l’éclair
(la prière), et du coup de foudre (la lumière divine) que nous retrouvons aussi
sur la lame 16. Observons le dessin : il se trouve un jeune homme entouré
de deux femmes. Manifestement il hésite à choisir entre les deux. Sa tête est
tournée vers la plus austère mais sa gestuelle montre qu'il reste attiré par la
plus jeune. Cupidon vise les personnages. Son arc est dépourvu de corde
signifiant que l’homme agit de son plein gré sur les choix qu’il doit faire
grâce à son libre arbitre. Face au destin et aux opportunités rencontrées, il
se confronte toujours à la terrible dualité, il doit exercer son choix entre
vice et vertu, entre bien et mal, entre blanc et noir. Le libre arbitre impose
la responsabilité et influe les conséquences positives ou négatives des choix
qui en découlent. Cet Eros est le principe d’union, il envoie la flèche, mais nous
l’avons vu, il n’y a pas de corde à l’arc. Il tient la flèche dans son poing et
ce poing représente le centre du cercle blanc ; c’est-à-dire une
représentation du big-bang, le point d’origine de toute la matière de
l’Univers. L’arc indique la tension de nos désirs liés à l’inconscient, il
représente le destin, la volonté divine. La flèche symbole sexuel, est aussi la
connaissance ; la corde de l’arc est invisible, car la force est
invisible. Eros c’est l’Amour. Ces anagrammes sont oser et rose. Eros est
toujours associé à la rose, au côté obscur et féminin de l’être. Il évoque le
retour à l’Unité en unissant le masculin et le féminin. L’Amoureux est donc l’homme
face à ses passions, à ses débordements, qui doit rechercher la sérénité de
l’esprit, par le biais du libre-arbitre ; avec ce dernier il connait
l’attraction du divin, sans lui il reste une planète qui tourne bêtement en
rond. Sur un très vieil arcane du 6 on peut y lire : L’indécision est aussi funeste qu’un mauvais choix. Avance ou recule,
mais souviens-toi qu’une chaîne de fleurs est plus difficile à briser qu’une
chaîne de fer.
Voici donc la représentation de la lutte entre le vice
est la vertu, entre le temporel et l’éternel. C’est l’expérience du désir qui
pousse le grand principe masculin, vers le grand principe féminin, pour que
tout ce qui est, ne puisse plus faire qu’UN. L’arcane exprime donc la racine,
le commencement ; la conscience spontanée du subjectif et de l’objectif,
où les choses ne sont pas unies, mais séparées. C’est la tentation du serpent,
c’est l’origine et le principe du doute. Le doute pousse à faire l’expérience,
et l’expérience à faire partager à l’autre. C’est le commencement de la terrible
dualité.
L’hexagramme (sceau de Salomon) omniprésent sur la
lame qui la partage en deux, représente la mémoire du paradis et de la chute,
du paradis et de la tentation. Ces deux triangles s’opposent soit par leurs
bases, soit par leurs pointes. Les trois personnages du bas forment un triangle
opposé au triangle de l’ange avec son arc et sa flèche. Le Féminin c’est le
corps, donc la chair, mais c’est aussi la mémoire qui porte notre histoire. Le
corps se fait dans le ventre de la mère qu’il faut quitter. L’amour est avant
tout une déchirure. Le Masculin c’est le monde conceptuel, que l’on perçoit.
Ceci pour invoquer l’inéluctable gestion de l’instinct. Cette lame du Tarot nous
fait méditer sur comment retourner à l’unité en unissant le masculin au
féminin. C’est ce qu’exprime ce passage
du 6 au 16, de l’Amoureux à la Maison dieu.
Ainsi en reprenant le questionnement du début de cet
article, le U de l’Amoureux est un V,
(comme celui de la Maison Dieu), qui
impose l’unique lien entre ces deux arcanes et cette union spirituelle des
genres. On peut faire cet étonnant constat avec les lettres de notre alphabet :
lorsque le Monde porte le nombre 21,
avec le Mat qui lui, n’a pas de
nombre nous totalisons 22 arcanes, le U est en 21ème position et le
V en 22ème. Cela nous fait passer par le silence du verbe, et unir
le féminin au masculin. Le féminin c’est la mémoire de ce centre, et de
l’expérience du cosmos. Nous portons dans notre corps la mémoire de la création
de la matière depuis son origine. Faire l’expérience de la séparation d’avec la
mère, c’est se préparer à la séparation d’avec le corps, la mort. L’arcane de
l’Amoureux dit tout ça.
L’homme et la femme vont être amenés à faire
l’expérience des quatre archétypes Féminin : la mère biologique, terre nourricière ; l’amante qui est choisie ; la vierge sacralisée et la sagesse,
représentation transcendée du féminin. L’amoureux est au centre des quatre.
Lorsqu’il aura fait l’expérience de la chair, il pourra se tourner vers la
beauté intérieure. Quand l’homme va vers une femme, il va vers sa mère. C’est
la rose avec ses épines, du cœur, de l’affect, du sentiment, amour charnel et
terrestre. Dans le regard du jeune homme, nous lisons qu’il vient de découvrir
à travers sa mère, l’image spirituelle de celle qui porte l’enfant divin et qui
parle de beauté intérieure. Il entend que ce principe est en lui-même, non lié
à sa mère ou à sa femme. Puis la Sagesse, sert de miroir à l’autre, car au-delà
des différences ils sont semblables. Le choix de l’Amoureux est donc la beauté
intérieure. Ainsi l’amour contrairement au désir, se donne et se reçoit sans
souffrir. Le grand amour est celui qui fait découvrir nos manques. Le choix est
souffrance, puisqu’il faut renoncer. Mais la douleur cesse dès que le choix est
fait, c’est alors la certitude du doute vaincu, par une foi retrouvée.
LA MAISON
DIEV ( 16 )
Puisqu’il s’agit de passage du 6 au 16, l’arcane 16
représente donc la porte de l’âme. C’est aussi une carte d’avertissement. La
plume qui représente l’âme tend vers le divin pour autant que le choix soit
fait. Pour libérer l’âme captive, il faut tuer le monstre de l’ignorance.
S’enfermer dans une tour d’ivoire, c’est s’isoler du monde. À noter qu’il y a
22 brins d’herbe, autant que d’arcanes majeurs du Tarot. Cette tour symbolise
l’orgueil des hommes, qui va vers la ruine en passant à côté de l’essentiel,
c’est le symbole de la tour de Babel. C’est la défaillance de l’esprit, le
châtiment de l’orgueil. La tour est représentative de la psyché, de l’égo, elle
est le temple de l’homme qui abrite l’esprit. Cette tour est couleur chair. Une
sorte d'éclair rouge et or brise son sommet. À son pied deux personnages y
figurent. L'un semble s'amuser à marcher sur les mains pendant que le deuxième
ramasse quelque chose. L'homme qui se prend pour Dieu et veut régir le monde
court à sa perte. Il ne faut pas perdre la tête et rester humble, tel est le
message de la Maison-Dieu
si l'on ne veut pas aller vers une catastrophe. Cette tour condamne son
bâtisseur à n’être que son œuvre. Elle souligne la manifestation de la vanité
qui au lieu d’élever celui qui en est victime, le réduit aux limites de sa
nature humaine, qui non contrôlée n’est que pure folie. Le meilleur moyen de se
prémunir, c’est la pratique de la tempérance, mais surtout celle de la vertu la
plus emblématique de la sagesse, l’humilité
(voir article du 2 septembre 2018 sur les vertus). Après le mal démoniaque
de l’arcane 15, la Maison Dieu représente
le mal humain, non pas celui qui vient du dehors, mais celui qui vient du
dedans de l’âme. C’est l’âme qui a commis le péché originel ; la chair n’y
est pour rien ! Ceci nécessite expiation et réunification. La
désobéissance envers le divin, c’est la séparation de la volonté humaine de
celle de dieu. Suite au péché originel, l’homme subit les conséquences de l’incarnation,
la douleur, le travail et la mort. Après l’expérience du déluge, la tour de
Babel connut les foudres de l’Eternel, qui multiplia les langages pour que plus
personne ne se comprenne. La foudre qui frappe, c’est la lumière divine qui
éblouit, pour annihiler la prétention humaine. C’est le seul arcane ou apparaît
le mot Dieu, juste après la lame du Diable,
en 15, La Maison-Dieu évoque donc
le corps ou l’esprit s’incarne.
Ainsi L’Amoureux
représentation du Féminin avec la fonction mémoire, rejoint la Maison Dieu arcane du Masculin, de la
reconnaissance, celle qui fait sortir de l’ombre au bout du tunnel. Comme le
dit Jung, dans un couple on n’est pas deux, mais quatre. L’enfant face au
couple parental, rencontre son double avec le parent de même sexe et son
complémentaire avec celui du sexe opposé. Les 2 personnages en état
d’apesanteur reconnaissent la terre avant la parole. Ils identifient avant de
nommer. La naissance se fait par la mère au niveau biologique, et par le père
au plan symbolique. Notre édifice personnel, cette tour de chair, ce temple,
c’est le creuset où s’élabore la transmutation de la matière par le feu. La
forme phallique affirme aussi que le corps est le lieu où se réalise l’œuvre du
feu du désir. Le haut de la tour laisse entrer la flamme venue du Ciel. Le
Verbe, la parole incarnée, vient vers l’être humain. C’est la parabole du Verbe
qui se fait chair. La Maison-Dieu veut
représenter le spasme jubilatoire qui amène à être et à reconnaître. C’est une
incantation de l’androgynéité. La base triangulaire représente la trinité
Œdipienne sur laquelle se construit le corps, que les trois fenêtres bleues
symbolisent. La réalité de l’androgyne allégorique ouvre à la dimension
spirituelle. Les deux pierres blanches rappellent les deux os de l’arcane 13,
ils sont ovules et spermatozoïdes qui créent l’humain, et expriment la connaissance
et révèlent ce passage vers l’Unité.
Ainsi ces deux arcanes enseignent sur la réalisation
de tout être et sur tout le difficile et délicat cheminement de l’amour pour
aller vers l’unité que constitue l’éternel cycle de vie.
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