Abordons maintenant le délicat passage de la vie matérielle à la vie spirituelle.. Un nécessaire renversement.
Le renversement du pendu
Dans
la « mathématique » du Tarot, ou l’arcane sans nombre (0) du Mat reste
l’étincelle, deux autres cartes sont essentielles le 1 (bateleur) et le 21 (le monde).
Ce n’est pas pour rien qu’au jeu de cartes traditionnel du Tarot, « Avoir les 3 bouts » est une
excellente main, permettant de jouer la garde. Mais restons aux chiffres et au
cheminement du 1 au 21. 1 et 2 font 12 qui en les inversant font 21. Le 1 ce bateleur qui débute les arcanes majeurs accolé
au 2 (la papesse) permettent de
trouver l’équilibre et ouvre le septénaire du corps qui se termine par le 7 (le chariot) assurant sa maîtrise. C’est
dans le deuxième septénaire du 7 au 14 que s’acquièrent les quatre vertus de l’âme
(voir Tarot 1). Avec ces vertus nous affrontons le 12 (le pendu) que nous allons étudier et qui avec son renversement mène au 21 (le monde). Le Pendu, comme déjà le fœtus, bascule tête première pour
franchir la porte étroite. Nous avons quitté le monde aquatique de la mère,
pour entrer dans le monde aérien du père en étant nommés. Cet arcane voit notre
perception du réel qui bascule. Dans le
chariot (7) l’intelligence dominait la matière, dans le pendu matière et intelligence inversées sont suspendues à un
fil. Si la corde casse, les deux s’écrasent. Si l’on revient au bateleur (1) et qu’on se focalise sur la
pièce ronde tenue dans sa main, on s’aperçoit qu’elle est parfaitement au
centre de la carte. Le centre du 1 c’est ce point, c’est le Un, je l’ai déjà
dit. Si l’on observe sa table, elle n’a que trois pieds. Bancale la table ?
Du tout ! Car la Papesse (2)
livre la solution. La table se poursuit chez elle et sert de support au livre
qu’elle tient ; livre qui est de la même couleur chair que l’établi sur
lequel repose les outils. On prend conscience que la table est solide. Dans le
Tarot les arcanes s’enchaînent, s’entremêlent ou se regroupent toujours dans un
ordre logique et sensé. Dans le livre de vie de la papesse, la lecture de l’ADN du bateleur, doit permettre de lever les voiles sur les mystères qui
l’entourent. À l’inverse du 1, le Monde
(21) est l’aboutissement avec trois éléments invisibles puisqu’auréolés et un
seul visible (le bœuf). Le tarot indique
sur le chemin, comment passer du bateleur
au Monde, donc du 1 au 21. Il faut
utiliser le 2 (la Papesse) et passer
ainsi par le 12. Cet arcane est celui du Pendu
où doit s’effectuer l’inéluctable retournement, afin de voir les choses
autrement, en se remettant en question, pour percevoir du Tout la subliminale
quintessence de notre œuvre : la vie. Les trois cartes du 1, 12, et 21 montrent
chacune trois options visibles contre une non visible ou l’inverse. À vous
d’observer… Les pieds de la table, le bœuf, etc. Donc notre Pendu représente la mort volontaire
et le sacrifice. C’est l’abnégation. Astronomiquement le pendu correspond au solstice d'hiver, dont il faut retenir que
la principale victime est le Soleil lui-même ; au point le plus bas de sa
course, il est en quelque sorte renversé la tête en bas. Voilà pourquoi le pendu a cette chevelure jaune et
rayonnante entourant son gibet de douze branches coupées. Il se balance au vent
léger, formant un lien entre le matériel et le spirituel. Son oreille droite
est visible, car il est à l’écoute. C’est le seul arcane qui représente l’ouïe.
Il conserve la tête libre et la corde figure la grâce accordée pour une
ascension. Mais la corde représente aussi l’union et le cordon ombilical. À
l’observation, si l’on retourne l’arcane, le
pendu semble joyeux, comme en train de danser le menuet en sautant sur le
pied gauche suspendu entre ciel et terre. Les arbres ont leurs frondaisons
dirigées vers le ciel et sous ses pieds pousse l’herbe... Mais les branches
coupées sont douze plaies sanglantes, qui se dirigent toutes vers le sol.
L’arcane à l’envers nous trouble par son illusion. En fait il est bien loin
d’avoir les pieds sur terre. C’est la fin d’un cycle avec une expiation.
L’homme est pendu par le talon d’un pied avec une corde, à deux arbres formant
les supports de la potence. Mais il ne semble pas souffrir malgré les mains
liées dans le dos qui l'empêche d'agir. L’homme est suspendu au Passé, mais sa
jambe droite représentant l’avenir reste libre. Cette jambe forme une équerre
et représente un 4 (l’empereur).
Quatre est aussi le mot hébreu daleth
qui signifie porte. Cette situation est sans possibilité de retour. L'intuition
devient certitude. Les deux arbres représentent les arbres du jardin d’Eden
(arbre de vie et arbre de la connaissance). Ils sont aussi une nouvelle
représentation des colonnes du Temple comme dans les arcanes
II-V-VII-VIII-XII-XVIII. Le symbole du triangle à l'envers surmonté d'une
croix, représente l'accomplissement du grand œuvre alchimique ; il est
stylisé par la forme des jambes croisées et des bras dans le dos. Ainsi est
énoncé le risque des ténèbres éternelles pour l’esprit de l’homme qui ne suit
pas les justes règles justes de la vie. Le temps est suspendu à un fil. Ayant
compris son destin, il est à l’envers des courants, donc pendu. Il faut une
autre raison de vivre. Il a besoin d’un guide, et n’a pas encore compris que ce
guide, c’est lui-même. Il faut qu’il se sacrifie pour renaître. Cet homme qui a
ainsi la tête dirigée vers la terre et les pieds, symbole de racines, dirigés
vers le ciel, nous indique l’inversion des perceptions. Il affronte l’inversion
des valeurs en surpassant les désirs, les instincts et les émotions de l’être
charnel dont il était sous l’emprise terrienne. La volonté, les aspirations
d’une vie spirituelle dépendent du ciel. Les deux attirances sont en totale
opposition. D’où cette idée de sacrifice. L’inversion du cycle montre cette
sensation de crucifixion symbolisée par le Tau que forme le Pendu avec la barre transversale qui
le soutient. Cette position du 12, dans le dessin du Temple, jouxtant la clé de
voûte du 11 (la Force), énonce que
l’âme qui a maitrisé le corps en n’habitant plus la Terre, a encore un long
chemin à faire dans la souffrance pour atteindre l’Eden. Voilà qui résume la
conquête des facultés supérieures des sens spirituels, échelon préalable
d’élévation, pour parvenir à la supra-conscience et l’émancipation de la
volonté. Ce nombre 12 représente ainsi les douze signes du Zodiaque, il évoque
les rythmes cycliques, les douze heures de la montre, les lunaisons, les mois
de l’année faite de quatre saisons de trois mois chacune. Notre Pendu est au centre. Il évoque la
symbolique chrétienne avec les 12 fruits de l’arbre de la connaissance, les 12
apôtres du Christ, les 12 portes de la Jérusalem céleste, les 12 tribus
d’Israël, les 12 stations du chemin de croix. Ce n’est pas pour rien que la
numérologie l’appelle le nombre de la perfection, le carré que multiplie le
triangle pour symboliser stabilité et action. Le douze symbolise aussi
l’Univers dans son déroulement, avec les quatre éléments, et les trois états de
la matière : solide, liquide et gazeux. Le douze c’est encore les travaux
d’Hercule travaux qui assimilent les richesses de la connaissance, comme
l’indiquent les douze branches coupées des deux arbres qui soutiennent le Pendu. Il veut devenir son propre
créateur. Seul usage nécessaire : l’énergie vitale et la sagesse. Voilà
sans doute la quête des prophètes de l’Alchimie. Le Pendu, pose le
problème de l’homme lié à la gravitation. La gravitation physique, psychique et
spirituelle. Elle occupe la place centrale comme facteur d’ordre dans le
système solaire, dans celui de l’atome et dans la cellule biologique. La
gravitation spirituelle symbolise l’état terrestre de pesanteur, de souffrance
et de la mort, ce qui image le terme de chute
évoqué pour la gravitation. Les trois cycles du Tarot, évoque l’homme charnel
sous l’emprise de la gravitation terrestre, l’homme psychique qui est en
équilibre avec les deux et l’homme spirituel qui vit sous la gravitation du
ciel. Le pendu représente tout ça. La
volonté doit percevoir l’inspiration, et rencontrer le don de la Foi.
En
forme de synthèse pour cet arcane, l’homme prendrait racines au ciel pour
s’épanouir sur la Terre, c'est-à-dire dans son corps. Les neuf boutons de son
pourpoint rappelant que le principe créateur a tous les nombres en lui et se
manifeste en premier par la Trinité. Neuf est aussi le nombre de l’Hermite (9), celui du bilan, de la
quête initiatique. Le Pendu abandonne le poids de la culpabilité, prêt à
rencontrer la mort. À travers la porte étroite il entre dans le monde du Soi,
prêt pour une renaissance. L’édification de l’être impose ce passage, après ce
long balancement à la porte du retour vers l’Unité, torturé par la terrible
perception de la dualité créatrice. C’est approcher le don de soi. Avec le Pendu, on se libère, c’est un
lâcher-prise, guidé par l’intuition. Mais il est douloureux le chemin. Déjà
avec l’Hermite, on lâchait son tout à
l’égo, avec le Pendu est venu le
moment ou « la chair quitte les
os ». Ce n’est pas pour rien que l’arcane qui suit est l’arcane sans
nom (13). De ce fait s’annonce la capacité d’aimer enfin sans souffrir et sans
faire souffrir. Tout est en soi. Les « alchimistes » chercheront à
trouver dans le Pendu, l’anagramme de L’or y vit.
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