lundi 21 mars 2016

Les mangeurs de noisettes

Quelques affaires financières croquignolesques qui prennent souvent de court des naïfs fortunés m'ont inspiré cette dernière fable et une aquarelle bien sûr pour l'illustrer.




Les mangeurs de noisettes

Des mangeurs de noisettes
Il en est de trois races :
Par peur de la disette
Celui qui les entasse,
Pour l’immédiat plaisir
Il y a le glouton,
Pour les en dessaisir
Toujours un faux-jeton.
Éclairons donc ce fabliau
Par un troublant trio.
Pour six avelines au sol, un mulot furieux
Criait à l’écureuil qui voulait les garder
« Je les ai vues avant et ce fut laborieux
Donc je n’entends pas me faire roublarder ! »
L’économe animal
Qui n’aimait pas le gaspillage
Se boucha les oreilles à ce babillage
Ne voulant rien entendre du pédant féal.
Arriva soudain à propos
Saisissant les noisettes
La sittelle orangée qui ayant vu l’appeau
Comptait en faire sa dînette.
« Il est », dit-elle, « assez de ces  gamineries
Votre queue en panache
Ne vaut chicanerie
Quant' à vous la ganache
Ne vaut mutinerie ;
Il faut que ça se sache
Je suis dans la finance des fruits frais
Et de ces avelines
Je vous offre intérêt. »
« Comment ça ? » dirent les deux cucul-la-praline.
« Pour tout placement dans nos coffres
Je vous donne du cinquante pour cent d’avance
N’est-ce pas là belle offre ?
Pour vos six noisettes la chance
D’en gagner la moitié ? »
« D’avance ? » ânonna l’un,
Quand l’autre grainetier
Dit d’un ton fiscalin :
« Trois de plus feront neuf
C’est facile à comprendre pour ton crâne d’œuf »
« Si tel est notre accord, dirent les mammifères
Quand donc livrerez-vous ? »
« Dans les six jours francs, » dit la sittelle très fière
« Je donne rendez-vous,
Et donc sur les six, je ne vous en prends que trois
Puisque l’on paye d’avance sans piauler
Ce que l’on vous octroie. »
Pas besoin de savoir voler
Ni d’être très savant
Il s’agit de grand art que de vendre du vent.

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