lundi 5 novembre 2018

Tarot 5 - Il apprend à lire son ADN

Nous voyons aujourd'hui le départ de toute vie dans le Tarot. Ce cheminement qui apprend à mourir d'aimer pour aimer mourir et inversement.



Il apprend à lire son ADN
           
Le nom de bateleur vient de l’ancien français « baastel », signifiant marionnette ; c’est celui qui fait des tours sur les places publiques. Dans le tarot le bateleur n’est pas un amuseur mais un éclairé. Il suit le mat, celui qui a tout perdu sauf la raison et qui porte tout le vécu dans un sac à dos. Le bateleur est de facto la première carte de la série des vingt-deux arcanes majeurs. Il est celui qui débute la quête. Il porte le 1 et représente un jeune homme tenant une baguette en main avec divers objets sur une table de couleur chair. Sa tête est ornée d'un chapeau dont la forme rappelle celle d'un huit renversé, symbole de l'infini. On peut remarquer qu'il n'a pas l'air de maîtriser parfaitement ses instruments.

Cet arcane comprend aussi toutes les couleurs du Tarot comme la carte de l’As de bâton. Elles sont les deux seules dans la totalité du jeu. Cette carte est donc arc-en-ciel ; elle demande donc la restauration de la connexion altérée entre le corporel et le spirituel ; elle évoque un départ, une naissance, un commencement, un renouveau, une renaissance. En vérité la matière, la chair, va prendre successivement conscience de l’esprit et de la mort, mais dans quel but ?
Devant son tréteau à trois pieds, qui ne veut pas dire stabilité précaire, car l’expression trinitaire est renforcée par la présence des trois touffes, il découvre et comprend. C’est aussi la marque du côté alchimiste, dont les trois pieds de la table représentent Soufre, Sel, et Mercure. Le cyprès évoque l’arbre de vie (phallus). Le jeune homme extraverti, regarde à droite son passé et son expérience. Il est le connaissant, il occupe l’espace vertical, les pieds en équerre (encore signe de stabilité). Son chapeau en forme de lemniscate symbolise l’infini (le 8 couché) mais aussi l’ouroboros enfermant dans son cercle la totalité. Il est l’expression de la pensée universelle. Dans sa main gauche une petite baguette (magique ?) et dans sa main droite un denier. Il peut s’agir d’une représentation juive et chrétienne de la loi et de l’ostie. D’autres y verront le signe du compagnonnage. La table (analogie avec la Table de la Loi) fait office de pierre brute ou d’athanor de l’alchimiste. Il y a une notion de devenir, il a le temps devant lui, car cette table déborde dans le futur en sortant du cadre. Le baluchon couleur chair de celui du Mat est devenu jaune (spiritualité) ouvert sur la table. Il en a sorti les outils sur l’établi dont il va falloir apprendre à se servir. Les dés avec faces 1-4, signifie que jeter les dés c’est tenter sa chance ; cela souligne les incertitudes de la vie aléatoire (aléa signifie dé en latin). Alea jacta est, car notre chercheur détient les quatre éléments. Le couteau symbolise l’Air (avec son fourreau à côté masculin), le poignard sert à trancher (liberté). Les deniers représentent la Terre, le corps, la matière. Les coupes sont l’Eau et l’âme, dont le gobelet marque l’intuition, le féminin, l’émotion. Enfin le bâton c’est le Feu, l’esprit. Cette baguette permet de commander et diriger, expression de la volonté et du pouvoir. Les quatre vertus sont aussi représentées avec le bâton qui est la Force, la coupe pour Tempérance, l’épée pour la Justice et le denier pour la Prudence. Le bras gauche qui tient le bâton est dirigé vers le ciel alors que la main droite est dirigée vers l’élément terre. Le Bateleur est bien la représentation du grand Tout et de l’infini. Il schématise la pensée de Descartes «  Je pense donc je suis. » Il est l’étincelle.
Selon Pascal « Tout l’Univers est contenu dans l’Unité ». Cette carte souligne la force du UN. Le Un invisible, c’est la chaine sans fin ; il est à l’origine de tous les nombres, le mystère engendré de la graine. Il n’existe qu’une seule vérité. Ce « Un », renferme donc la lumière fécondante mais aussi les forces constitutives des quatre éléments, le chaud et le froid, le sec et l’humide, le spirituel et le matériel, le visible et l’invisible, tout ceci contenu dans un état hors du temps : l’Éternel moment présent du principe créateur. Pythagore qui passa 22 années chez les prêtres initiateurs d’Egypte considérait le UN comme la source de l’harmonie universelle. La Kabbale en raccourci explicite la loi divine, c’est une serrure codée, elle traite de l’Unité, parce que les 10 nombres sephirot et les 22 lettres-sentiers sont la base de toutes choses. Elle enseigne la présence d’une entité divine unique. Le mot veut dire « révélation » et confirme le chemin de la foi. Le Tout constitue une belle Unité… Le Tarot et ses 22 arcanes majeurs représentent entre autres hypothèses la restitution symbolique de la kabbale. La mort précède une renaissance, comme le coucher du soleil, attend son lever. La vie de l’âme est une, perpétuelle dans ses réincarnations. Une légende donne une explication à la fossette située au milieu de notre lèvre supérieure, dont le nom scientifique est philtrum, et que l’on appelle aussi « le doigt de l’ange ». Cet ange qui vient dès la naissance du nouveau-né lui poser un doigt sur la bouche. Un « chut ! » afin qu’il ne puisse révéler les secrets de la Création en lui donnant son innocence (le sac du Mat). L’arcane montre encore ce huit couché du chapeau. En fait il ne s’agit pas d’un lac d’amour, mais de la figure donnée par le parcours du soleil dans le ciel reportée par pointage jour après jours sur un cadran solaire. Ce 8 renversé qui domine la tête du mage est le signe de l’infini de la nature. Sur un vieux jeu de tarot qui offre des textes sur ses cartes, on peut lire sur celle du bateleur : « Une ferme volonté et la foi en toi-même, guidées par la raison et l’amour de la justice, te conduiront au but que tu veux atteindre, et te préserveront du péril du chemin. » Le sac jaune du Mat sur la table contenant les outils, permet l’apprentissage qui passe par le corps et donc l’expérience. En fait rien n’est magique, c’est nous qui donnons de la magie au monde et c’est notre volonté qui agit sur tout ce qui est en surmontant l’illusion. Le bateleur veut apprendre l’art d’apprendre en maitrisant l’art de se taire. Il peut soit nous faire génial, ou à l’opposé charlatan. Il nous invite au travail et à l’effort pour atteindre la vérité réelle. Dans ses mains le bateleur tient les symboles du masculin et du féminin. Le petit cyprès entre ses jambes représente l’arbre de vie. En faisant se rencontrer le bâton et le denier, il suscitera la première étincelle de vie et donc l’Incarnation, ce qui symbolise le spermatozoïde pénétrant l’ovule. Il représente aussi le principe créateur du Verbe. Ses pieds à l’équerre avec l’axe du corps, donne les trois dimensions de l’espace. Le Verbe s’est fait chair, couleur de l’établi. Dans le corps l’être se recueille comme dans un temple. La table est portée par trois pieds, mystère de la trinité qui soutient le corps et fonde l’être humain. Le bateleur tient entre ses mains deux forces d’énergie, les deux autres se trouvent sur l’établi pour qu’il les travaille. Le couteau symbole du verbe qui est pur, et les coupes : rouge pour le sang des pulsions et des émotions, jaune pour l’ordre, la loi et la lumière.
Mais où apprendre à lire le vrai ? Le seul livre représenté qu’il y a dans le Tarot est celui de la Papesse (arcane 2) un livre de couleur chair (le livre de notre molécule biologique). Du trou noir (le Mat), du néant, surgit l’unité. Le Un c’est le point, le centre, l’unité indivisible. Spirituellement c’est l’esprit, le Yod. Matériellement c’est l’homme avec son Ego. Le Un ouvre le Tarot, le point de départ du « Je » qui s’affirme, qui existe. Inséré entre le Mat (0) et la Papesse (2), c‘est le triangle œdipien. Le bateleur représente l’arrivée au monde ; il passe du rôle d’objet au statut de sujet. Le monde matériel est le reflet déformé du monde spirituel. Qui dit reflet dit image. Les archétypes sont à notre psychisme, ce que les instincts sont à nos pulsions vitales. Le bateleur porte la mémoire du monde et conserve la trace active du big-bang. De l’union du Mat et de la Papesse l’espace de la conscience s’offre au bateleur. Les difficultés humaines viennent de l’expérience de la conscience. Le « Je » de l’être en devenir nait de cette union et le résultat c’est le bateleur. Funambule au début, perdu dans les méandres de la matière, il est à la recherche de sa trace originelle dans le processus créateur. Le chemin de l’esprit passe par la matière. La Papesse est détentrice à son insu de tous les secrets de la matière depuis le début du monde recensés dans le livre.  Le bateleur est porteur de chair et de mémoires ; il est né morceau de chair, il va progresser vers la conscience de la mort. L’amour spirituel ne viendra qu’après le deuil de cette relation avec la papesse. L’enfant dans le ventre maternel a la mémoire du monde. Le traumatisme de la naissance refoule cette mémoire dans les profondeurs de l’inconscient. Après la naissance, l’accroissement se fera par l’esprit et non plus de la chair, d’où un sentiment d’abandon. Le livre détenu par la papesse contient l’ADN que le bateleur doit apprendre à lire. La souffrance de l’âme passe par là. Si le conscient est fait d’images, l’inconscient est fait de mots. Le bateleur va vers le langage. Il reçoit les deniers du monde des sensations et les bâtons du monde de l’intuitif et du désir. Sur la table se trouve l’épée (monde de l’esprit et du langage) et les coupes (monde des sentiments et de l’Amour) qu’il lui faut différencier, acquérir et maîtriser. Le bateleur au début va construire son « Je » en éveil dès sa naissance. Mais le « jeu » peut amener à tricher car l’égo apparaît. Cet autre qui peut nous refouler. Le bateleur se doit d’entrer en relation avec cet autre. Mais comme le dit l’adage «  Attention à ne pas lâcher la proie pour l’ombre ! » car il convient d’aller vers l’accomplissement du Soi, qui est au bout du chemin (arcane 21 du Monde). L’âme se doit de chercher son chemin de vie.
Le Bateleur est donc le point de départ ; le symbole de la volonté agissante, du principe de création et de l’activité universelle indivisible. Il doit parcourir le chemin de l’âme en maîtrisant ses appétits et son esprit au profit du cœur. Le vrai et le désiré doivent s’imposer afin de trouver leur synthèse dans le beau…
Trouver la beauté du vrai c’est mourir d’aimer.

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