Derrière le voile,
la mère initiatrice
Avec l'arcane numéro 2, la Papesse symbolise le démarrage de l’initiation
sur le parvis du labyrinthe. Le bateleur
pourra étudier, méditer, s’élever vers les sommets de la connaissance et apprendre
à se détacher des basses contingences humaines car la science doit lui dévoiler
ses secrets. Entre ces deux colonnes se trouve donc la mère, porteuse et gardienne
du temple, dont il faut lever le voile. La lumière a besoin des ténèbres pour
pouvoir s'exprimer.
On découvre cette femme
vêtue d'un manteau bleu dessus et d'une robe rouge dessous. Le bleu indique
qu’elle est réceptive au monde extérieur mais qu'au plus profond d’elle même,
les pensées sont analysées efficacement pour voir plus loin que le voile des apparences.
Cet arcane nous invite à une intériorisation, une descente dans la caverne, au
sein de notre psyché afin de pouvoir trouver les réponses à nos légitimes questions.
Elle a les cheveux blonds, drapés d'un tissu blanc évoquant la pureté, une tiare en couronne, en habit d’apparat, et est
assise, tenant ouvert sur ses genoux un livre sacré de couleur chair (voir le
dernier article n°4 du 25 octobre 2018 sur les couleurs) Elle ne parait pas
lire celui-ci. Un ruban jaune relie le livre à son cœur. C’est pour mieux
répondre à la question de l’être et de son devenir. Son espace est la pureté
(fond blanc, voile chair). Le voile signifie séparation et protection (c’est
l’hidjab en arabe). C’est un voile qu’il s’agit de lever. Déchirer le voile,
sous-entend d’accéder à la révélation. La Tiare signale qu’elle règne sur les trois
plans : physique, émotif et spirituel. La papesse protège sa gorge, donc
le langage et la créativité. Elle porte une cape qui figure les secrets, quelque chose de caché qu’il s’agit de
protéger. La croix reste le symbole de la manifestation sensible du principe
créateur entre énergie, conscience et conditions. Le Nombre 2 représente la polarisation des puissances du Un et la
matrice universelle qui féconde le germe de la semence du principe créateur. Ce
nombre est l’énergie sexuelle qui sera la créatrice des formes ; elle est
figurée par les deux serpents qui s’enroulent autour du bâton d’Hermès dans le
symbole du Caducée. Si ce nombre deux est féminin par rapport au Nombre Un, il est
masculin par rapport au nombre trois qu’il féconde ; chaque nombre
possédant la force de l’androgynéité qui s’exprime en polarité différente avec
le nombre qui le précède ou qui lui succède. Ce 2 c’est aussi les deux colonnes
symboliques du temple cabalistique de Salomon que nous retrouvons derrière le
trône de la Papesse. Elles sont le
principe de dualisation des bases fondamentales, destin et providence. Le
binaire est la condition incontournable de toute manifestation ; tout est
double dans la création et ce qui en est le principe unificateur c’est le troisième
terme qu’engendre toute dualité. La vérité pour se manifester à la conscience
doit avoir un doute possible ; la lumière n’est identifiable que par
l’ombre qui la contraste ; on ne prend conscience d’une chose que par
l’existence de son contraire. La Papesse est
à demi voilée, et tient dans une main ce livre à moitié ouvert et dans l’autre
deux clés, le sens signifiant et le sens cachant. Elle est prête à nous ouvrir
le chemin de l’initiation, mais nous demande l’effort d’en chercher la clé. Le
livre sur ses genoux, elle le connaît, mais ne le lit pas, car elle est la
Mémoire ; elle sait, mais elle ne sait pas qu’elle sait. C’est le livre de
la connaissance, de la nature, de la vie ; le livre de la parole et des
tables de la Loi.
Dans le Coran aussi la parole s’est faite livre. Dès que l’humanité émerge,
elle est l’expression d’un inconscient, et elle joue le rôle du miroir ;
elle réfléchit. Elle symbolise le lieu de l’Inconscient, elle est simultanément
la matière et l’inconscient. Elle est l’ovule fécondé par le Verbe. La forme de
la tiare est celle d’une ruche, qui représente la collectivité prolifique,
organisée, hiérarchisée. C’est le passage du Moi au Soi, par une lente alchimie
tenue secrète par le voile. Le voile c’est le lait de la mère, celle qui a donné
la Galaxie (la voie lactée). Sa robe rouge représente la prolifération du
biologique. Le manteau bleu souligne que toute la vie tend vers la spiritualité,
et l’ouverture du bas symbolise le vagin : la porte du mystère. Les 2
colonnes du temple de Salomon, entourent la porte qui symbolise la circulation
verticale entre Dieu et l’homme, la demande et la réponse, la prière et la
bénédiction. Elle nous demande de lire le Livre qui contient la mémoire du
corps. Ce corps qui est le lieu de notre inconscient individuel. C’est la
sagesse intérieure, de l’âme et de l’esprit dans la matière du corps. La Papesse exprime toujours la dualité, la
sexualité, la polarité, mais surtout le couple et l’union. Car la dualité, c’est aussi le nombre
de l’amour, de l’amant et de l’aimé. L’amour surpasse l’être qui est le
principe d’une fécondité métaphysique inépuisable. Ce livre symbolise la Gnose
et la révélation ; le féminin est le réceptacle, le masculin est l’outil
de connaissance. Sans vouloir les montrer, la papesse détient tous les secrets
du Monde dans son livre, elle donne la vie et offre ainsi le chemin vers la
nature, le savoir et la connaissance.
Nous
avons déjà vu avec le Mat (0) et le Bateleur (1) l’arrivée au monde, et le passage du rôle de
matière au statut d’esprit. Le monde matériel est le reflet déformé du monde
spirituel. Qui dit reflet dit image, qui est tout le rôle des arcanes du Tarot.
Les archétypes sont au psychisme, ce que les instincts sont à nos pulsions
vitales. Le bateleur porte la mémoire
du monde et conserve les traces de la création de l’Univers. De cette union
entre Mat et Papesse l’espace de la conscience s’offre à la naissance du bateleur. Le Mat va laisser son empreinte dans la chair de la Papesse. Le « Je » naît de
cette union. C‘est la représentation du
triangle œdipien. Répétons-le, le livre de la Papesse est celui des secrets de la matière depuis l’origine du
monde. La Papesse sait que la mort
peut frapper son nouveau né (le bateleur),
elle évacue de sa conscience le père symbolique et ainsi le nourrisson n’est
qu’un morceau de sa mère, un morceau de chair, ce qui l’aménera à s’ouvrir à la
conscience de la mort. L’accouchement est déjà le signe que l’accroissement se
fera dans l’esprit et non plus dans la chair, d’où le sentiment d’abandon. Le
livre de la papesse contient l’ADN, que le bateleur
doit apprendre à lire. La souffrance de l’âme passe par là. Si le conscient est
fait d’images, l’inconscient est fait de mots. Elle va laisser le bateleur aller vers le langage. Le temps
et l’espace n’ont pas les mêmes valeurs dans l’inconscient. On apprend à lire l’Esprit
dans la Matière. Le bateleur au début
du chemin reçoit les deniers (sensations) et les bâtons (intuition et désir).
Sur son établi, l’épée (pensée, langage) et les coupes (amour et sentiments)
sont à conquérir contrairement aux premiers acquis. Mais le bateleur qui doit commencer par
construire son « Je » voit déjà l’Ego apparaître. Et dans le
« jeu » on peut tricher car l’autre veut nous refouler. L’ombre est
là avant la parole de l’Impératrice (le
prochain article). Voilà pour illustrer l’expression « Aimer son ennemi comme soi-même ». L’âme
va chercher son chemin de vie. L’enfant dans le ventre maternel qui a la
mémoire du monde, par le traumatisme respiratoire de la naissance va refouler
cette mémoire dans les profondeurs de son inconscient de bébé ; ce sera à
lui de retrouver le chemin. Volià pourquoi les gitans enlèvent une carte d’un
jeu de Tarot qu’il dépose dans le berceau du nouveau né pour lui permettre de
retrouver le chemin. Avec la Papesse
débute la recherche de la Vérité, car c’est la volonté unie à la science, qui engendre
la sagesse.
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