jeudi 4 octobre 2018

Tarot 3 - L'un est sans Nom, l'autre est sans Nombre

Toujours dans une quête de la compréhension du jeu de Tarot, deux cartes qui se ressemblent fortement dans leur dynamique et qui peuvent parfaitement se superposer... Ce n'est pas la vie qui s'oppose à la mort, mais bien la naissance ; cette naissance qui est déjà en quelque sorte une autre mort. Il s'agit ici de parler de l'Arcane sans Nom (l'innommable)  et de l'Arcane sans Nombre (le néant).



L’un est sans Nom, l’autre est sans Nombre

Toutes aussi importantes que les lames 6 et 16, vues précédemment (à savoir l’Amoureux et la Maison Dieu) les deux arcanes majeurs que je vous présente ce jour le sont plus encore, il s'agit du Fou ou Mat et de l'Arcane sans nom. Autrement dit entre la Naissance et la Mort s'écoule la vie.


Le MAT (ou le FOU)  ( 0 )
L’origine du nom vient sans doute de l’italien « matto » qui signifie fou, mais aussi de l’arabe « mâat » de l’expression le roi est mort et qu’on retrouve dans le jeu d’échec. Le Mat ouvre et clos la roue du Tarot. « En ma fin est mon commencement » disent les évangiles. Il symbolise ainsi le nombre des lettres de l’alphabet hébreu ouvrant les 22 chemins reliant les sephirot. L’arcane représente soit le Sage, soit le Fou. C’est un présage de fin de vie ou l’âme se perd avant de réintégrer l’Unité divine, ou c’est une représentation de la conception, juste avant la naissance. Le Mat exécute un retour sur lui-même et ça recommence. Le Mat ne porte pas de numéro, mais on lui affecte le zéro. "Quand on croit avoir fait le tour d'un sujet, il est temps de repartir à zéro."
Le personnage sait où il va, vers lui-même. En marchant il porte toute l’histoire du monde dans son sac, baluchon des pèlerins de couleur chair, pour nous montrer que l’expérience est inscrite dans le corps. L’animal qui cherche à le mordre le pousse, signalant qu’on est poussé sur la route de l’évolution par la bête, mu par le biologique qui nous fonde, la matière. Même la mort ne peut retenir le Fou car il est plus fort qu’elle. Il semble brisé, la tête comme coupée d’un corps disloqué. C’est le passage de l’esprit remué par le désir de savoir, à celui de la connaissance supérieure due à l’amour. L’effacement du nombre dans le cartouche est le rappel du vide. L’âme errante est dans le labyrinthe. Le bébé qui nait. Il sait tout, mais ne sait rien. Il voit tout mais n’en a pas conscience. Il va naître et renaître jusqu’à comprendre qui il est. Le tarot se referme sur lui comme un cercle qui symbolise l’Infini. C’est l’arcane du début et de la fin, la marche d’un univers à l’autre entre Folie et Sagesse.
Le mat rappelle cette histoire de l’enfant qui rencontrant un vieux sage et lui demande : « Maître je te donne 10 roupies si tu me dis ou je peux trouver Dieu ». Ce dernier de lui répondre : « Je t’en donne 20 si tu me dis où il n’est pas. »
Ce Mat en mal d’amour, c’est à la fois Don Quichotte le matamore et Hamlet qui affronte l’épreuve de l’enjeu entre foi et désespoir. Il est celui qui nous ouvre la route, en position de 0, il nous conduit vers le premier arcane du bâteleur. C’est l’homme en marche, il fait un pas. Dans le même mouvement que l’arcane XIII qui voit le trépas. Le pas de la mort, cette mort qu’on ne nomme pas, parce que personne ne sait ce qu’elle est. C’est malgré ça, notre seule certitude ! Symboliquement l’arcane évoque le seuil de la vie que l’on franchi pas ce trépas (trois fois un pas). La certitude de la mort place l’homme en situation de s’interroger sur le sens de sa vie. La mort n’est pas une fin, mais un passage.
Le Mat est l’arcane de l’expérience et toutes ses épreuves l’attendent dans les 21 arcanes majeurs suivants. Son absence de nombre en fait un personnage vagabond hors normes, un illuminé. C’est le long cheminement qui sans cesse mène vers ce nouvel état de conscience. Le cartouche vide, signifie qu’il lui manque le Nombre, la dimension spirituelle. Il doit absolument le retrouver, car il l’a perdu un jour en étant chassé. Ce manque dont souffre le Mat est celui de l’Unité qu’il cherche sans fin, ce paradis perdu mémorisé de façon subliminale. Le Mat est l’arcane de l’initiation par l’expérience, utilisant l’intuition permettant d’accéder à la conscience de son essence divine. Le zéro est infini, c’est le Tout, le cercle sans début, ni fin, le symbole du mystère, somme de la vie et de la mort. En Géométrie c’est par le zéro qu’on désigne le centre d’un cercle. Il est le pont vers l’infini, entre l’irrationnel que nous connaissons et celui vers lequel nous tendons par le passage du XIII. Il n’est pas celui qui a perdu la raison, mais celui qui a tout perdu sauf la raison.
Dans le Tarot, seuls le Mat et le XIII sont représentés en marche, le sans nombre et le sans nom. Ils ont la même structure, la même position, ils se superposent. L’un nommant celui qui lui attribue son nombre. Le sans nombre est l’avant naissance. Si on lui donne la position du 22, il est en rapport avec la mort puisque terminant le cycle. Libéré de tout, il a dépassé les illusions et conquis la liberté absolue, pour les kabbalistes il est chercheur de Vérité. Il est issu du big-bang et laisse son empreinte dans la chair. Mais ni la chair, ni la matière n’aiment le manque. Le livre de la papesse (lame 2) contient l’ADN, que le bateleur (lame 1) doit apprendre à lire. D’abord lire et comprendre sa chair. La souffrance de l’âme passe par là. Elle va entraîner le bateleur vers le langage, vers l’accomplissement du Soi, le Monde (lame 21). L’enfant dans le ventre maternel a la mémoire du monde. Le traumatisme de la naissance refoule cette mémoire dans les profondeurs de l’inconscient. Voici donc la possibilité d’accéder à un nouvel espace-temps et un nouveau cycle.


L’ARCANE SANS NOM  ( 13 )
La mort ne détruit que pour faire renaître. Le squelette représente bien ici la mort. Mais c’est un mort vivant puisqu’il marche. Seuls le XIII et le Mat sont représentés en marche. Le squelette est nu, débarrassé de toute enveloppe superficielle. La faux est un instrument agricole, qui indique le rythme des saisons. Le squelette a une colonne vertébrale représentant un épi de blé dont les dernières vertèbres cervicales (bulbe ?) forment une fleur, promesse d’un nouvel état.  Symbole de l’Ego qui se dissout et de l’âme qui surgit. L’Univers n’est jamais fini. Tout ce qui est créé sur la terre, retourne à l’origine, pour refleurir autrement. Tout s’arrête pour renaître. Tout ce qui a été semé est récolté. La mort qui est quasiment au centre du jeu du Tarot, est un passage entre l’intérieur et l’extérieur. Pénétrer l’autre monde pour un être neuf. La Mort, ne fauche que ce qui pousse du sol noir et s’élève au-dessus de lui, têtes et mains. La lame de la faux semble couverte de sang, mais on ne peut pas faucher avec une lame ainsi orientée. Le mouvement de son instrument va donc de la matière à l’esprit. C’est un arcane de courage qui rappelle le principe divin. Les fleurs poussent sur la terre noire symbolisant la fécondité intérieure.
Comme la perle qui quitte l’huitre, la faux symbolise la désincarnation, celle qui tranche les liens entre le Moi et le corps astral (par l’oubli), qui coupe ces liens entre le corps astral et le cortex (par le sommeil) et qui stoppe les liens entre le cortex et le corps physique (par la mort). C’est par l’oubli, le sommeil et la mort qu’on arrive à l’expérience mystique de l’âme unie à la certitude absolue de l’immortalité. Au-delà de l’arcane XIII, il y a d’autres arcanes à parcourir. A la mort nous allons perdre notre corps, notre personnalité, notre Moi. Donner un nom c’est posséder. Le Moi porte la peur de la mort qui est liée à la peur de perdre ; il convient par connaissance de laisser la place à une autre instance psychique, la conscience du Soi, de l’Univers ésotérique. Le bulbe du squelette sur le dos doit s’épanouir en fleur et donner accès à la dimension de l’appartenance abandonnant celle de la possession. L’arcane demande de mourir à une conscience pour naître à une autre. Dans le Tarot la mort n’est pas un état statique et final, mais elle est mouvement. L’arcane sans nom, rappelle que nommer c’est être vivant. L’innommable est ici du domaine du spirituel. Le personnage a faussement l’apparence d’un squelette, il s’épanouit. L’arcane parle également de sexualité, puisque lorsqu’on donne la vie, on donne la mort. Le XIII est donc une porte du temps permettant le passage à un monde spirituel. Mourir c’est passer au temps neuf, ainsi qu’au temps 0 et nous avons la preuve par neuf que 9 = 0. (Voir Tarot-1 du 9 septembre sur les vertus cardinales et plus particulièrement l’arcane 9). Les 2 os blancs parlent de la structure principielle qui ne meurt jamais. L’os résiste à la mort, il est un noyau d’immortalité. Autre observation, la terre noire symbolise l’inconscient et le squelette est mutilé et ses 5 sens humains sont perdus. La mâchoire inférieure est manquante, imposant la perte du goût et le silence ; donc l’impossibilité de nommer. Le nez n’a plus de forme et annihile l’odorat. Un bandeau couvre l’oreille impliquant la surdité. L’œil est vide et impose au mort-vivant de marcher à l’aveuglette. Mais il marche. Il a un pied coupé, alors que l’autre tend vers l’avenir. Comme le Mat qui ignore le chemin, la mort ignore son pied perdu, ce pied qui est symbole de l’âme. La mort est une libération, une transfiguration. La mort ne détruit que le corps, pas l’esprit.

Les 2 lames sont toutes deux tournées dans la même direction, et la faux de l’un ressemble fort au bâton de l’autre. La même attitude corporelle, le même mouvement dynamique, un même manque au niveau de l’identification… d’un nom ou d’un nombre. Il n’y a pas de chemin, l’homme crée sa route, sa destinée. Ces deux lames sont très complémentaires et symbolisent à elles deux toute la force du Tarot et sa grande portée symbolique, le passage d’un monde à l’autre, le changement des niveaux de conscience, ce changement d’état, et cette transformation inouïe. Ce n’est pas la vie qui s’oppose à la mort, mais bien la naissance. La vie est ce passage livré à la connaissance et aux retrouvailles mémorielles d’un paradis perdu.

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